Rencontre avec la ministre du 4 février 2025 : pouvoir d’achat, budget 2025, contrôle unique, SEA, Anses

 

La CFDT a rencontré la ministre Annie Genevard le 4 février 2025, après plusieurs reports. Elle était accompagnée notamment par son conseiller budgétaire, Victor Mabille, par Cécile Bigot Dekeyzer, secrétaire générale du MASA, et par Xavier Maire, chef du SRH.

La CFDT était représentée par Stéphanie Clarenc et Frédric Laloy (CFDT-SPAgri), Annabel Foury (CFDT Agri Agro), Catherine Nave Bekhti, Sylvie Perron et Béatrice Laugraud (CFDT-EFRP) pour l’enseignement agricole.

 

Un pouvoir d’achat tristement en berne, avec l’espoir de (petites) éclaircies

Le ministre de la Fonction Publique l’a annoncé fin janvier, il est prévu pour 2025 :

  • Une diminution de la rémunération des agents publics en arrêt maladie : 90% au lieu de 100% aujourd’hui ;
  • L’absence à nouveau de GIPA ;
  • L’absence de hausse du point d’indice ;
  • L’absence de mesures catégorielles (rééchelonnement indiciaire, transformation ou création de nouveaux corps ou grades, taux promus/promouvables…).

La CFDT regrette vivement ces mesures. Diminuer le pouvoir d’achat des agents en arrêt maladie est injuste, et ce d’autant plus que les textes ne permettent pas à la prévoyance de compenser cette perte financière, comme c’est le cas dans le privé. Suspendre à nouveau la GIPA conduit de nombreux agents à perdre du pouvoir d’achat. L’absence de revalorisation du point d’indice ne va pas dans le sens de l’attractivité du ministère qui en a bien besoin.

Dans ce contexte morose, les seules éclaircies envisagées en 2025 par la ministre sont :

  • Une revalorisation de l’IFSE (qui aurait dû intervenir il y a plus d’un an…) ;
  • La mise en place d’une indemnité spécifique pour les remplacements en abattoirs (il serait temps, on attend de voir pour y croire vraiment…).

Pas de véritable surprise, puisque ces mesures sont annoncées depuis plusieurs années …

Seule avancée certaine : la ministre a acté le fait qu’il y aurait bien concertation avec les syndicats concernant l’IFSE, et pas seulement une information aux organisations syndicales comme initialement proposé par l’administration en janvier… Espérons que nous aurons vraiment notre mot à dire

La CFDT compte bien se mobiliser pour faire de la revalorisation un levier pour tenter de compenser (pour partie) les récentes mesures de la fonction publique, bien regrettables dans le contexte d’inflation que nous connaissons depuis de nombreuses années et du manque d’attractivité de notre ministère. Et ce pour les fonctionnaires. Et aussi pour les contractuels : à quand l’application des nouvelles grilles de rémunération pour les contractuels vétérinaires ? Une prime de type CIA est-elle envisageable pour l’ensemble des contractuels ? etc.

Budget 2025 

Un budget encore plus serré que celui qui avait été proposé par Michel Barnier…

Côté effectifs, après une hausse de 180 ETP en 2024, la ministre prévoit une baisse de 151 ETP en 2025, tant côté enseignement agricole, que services et opérateurs. Côté crédits, une baisse de 238 millions d’euros est prévue.
Pour la ministre, ces mesures d’économie sont indispensables pour parvenir à un déficit budgétaire soutenable.

Pour la CFDT, le précédent budget pour 2025 montre qu’il y avait d’autres choix possibles…

… mais une ministre attentive aux (à certains ?) déplacements des agents

La CFDT interroge la ministre sur les contraintes imposées aux agents en matière de déplacements, en citant l’exemple des inspecteurs à qui on demande de prioriser les contrôles au détriment des rencontres sur le terrain avec la profession agricole. Les contrôles c’est essentiel, mais la pédagogie est importante également et force est de constater qu’il y en a moins depuis plusieurs mois.

La ministre s’en étonne et précise « je n’ai jamais donné d’instructions en ce sens. Je crois dans les vertus des rencontres, dans les discussions avec la profession agricole. La visio est une solution dans certaines situations, mais il y a là un point de vigilance à avoir, je ne peux que souscrire à votre propos ».

La secrétaire générale précise alors que le budget de fonctionnement a été très contraint en 2024, et que la tension risque d’être encore forte en 2025. Elle échange avec les services du ministère de l’intérieur, les frais de déplacements des agents en DDI et en DRAAF sont pris en charge sur un budget issu de ce ministère.

La ministre a indiqué qu’il fallait faire valoir auprès du ministère de l’intérieur que notre ministère gère une population agricole sinistrée qui a besoin de dialogue avec les représentants du MASA.

Bien entendu, le propos de la CFDT est valable au-delà des rencontres avec la profession agricole. Les agents ont besoin de se déplacer pour rencontrer l’ensemble des partenaires, pour se former, pour se voir en vrai et se constituer un réseau… Aujourd’hui, les agents de plusieurs DRAAF et DDI ne sont plus autorisés à se déplacer en dehors des contrôles, ce n’est pas acceptable. La CFDT s’inquiète également du budget formation et des déplacements associés pour un ministère technique qui évolue rapidement et avec un fort turn over.

La CFDT s’étonne que la ministre découvre cette difficulté pourtant soulevée lors de chaque instance (cf. CR du CSAM de septembre 2024). Elle a invité la ministre à porter la bonne parole auprès de son homologue de l’intérieur…

Contrôle unique : les agriculteurs entendus, les agents en charge des contrôles ou de leur coordination beaucoup moins

Contrôles : vers des règles du jeu imposées par les représentants des agriculteurs concernant l’attitude à adopter pour les agriculteurs et les inspecteurs lors d’un contrôle ?!

La CFDT interroge la ministre sur les chartes contrôleurs/contrôlés. Ces chartes ont pour objet de préciser les droits et les devoirs des contrôleurs et des agriculteurs. Elles sont en cours de rédaction, et d’après nos informations il y a autour de la table des représentants des chambres d’agriculture et des syndicats agricoles, et côté administration au mieux les directeurs des services déconcentrés. Aucun représentant des inspecteurs. Les syndicats des contrôleurs ne sont pas non plus invités. Les chartes existantes rédigées dans ces conditions sont très orientées par la profession…

La CFDT demande à ce que des représentants des inspecteurs ou/et des syndicats qui les représentent soient conviés aux réunions sur le sujet.

La ministre entend le besoin d’équilibre. Elle précise « laissez-moi un peu de temps pour regarder. ». Lors du dernier CSA ministériel, la CFDT avait déjà interrogé la secrétaire générale du MASA qui avait pris note de la question (lien vers le CR).

Là encore la CFDT s’étonne que la ministre découvre cette problématique pourtant déjà mise sur la table. L’enjeu est majeur : les inspecteurs du MASA effectuent plusieurs milliers de contrôles chaque année… et il serait de bon ton que leurs droits soient autant respectés que ceux des agriculteurs… !

Pour la CFDT, la ministre doit demander aux préfets d’associer des représentants des contrôleurs, à minima les organisations syndicales, et si possible un groupe d’inspecteurs, lors de ces réunions. Maintenant que les élections dans les chambres d’agriculture sont terminées, il est urgent de reprendre la main ! Ce n’est pas à la profession agricole de fixer les règles du jeu en matière de contrôles comme l’a fait le président de la FNSEA en décembre dernier lorsqu’il a appelé à la suspension des contrôles sans recadrage . Il doit y avoir équilibre dans la représentation des agriculteurs et des inspecteurs.

Périmètre du contrôle unique et coordination des contrôles : la ministre veut donner les outils, l’administration y travaille, mais les collègues attendent toujours…

Un cadrage national est nécessaire pour préciser ce qu’est le contrôle administratif unique. Élevage de chiens, agricole ou pas, relève du contrôle unique ou pas ? Contrôle d’un méthaniseur, contrôle unique ou pas ? Centre équestre, agricole ou pas ? etc. Les exemples sont nombreux, difficile de s’y retrouver encore aujourd’hui !

Un autre cadrage national est nécessaire pour préciser ce qui doit être remonté aux DDT(M) en matière de contrôles (au-delà du contrôle administratif unique) sachant qu’il est illusoire de faire remonter tous les contrôles. Par exemple un contrôle effectué par la gendarmerie qui intervient sur plainte est soumis au secret de l’instruction judiciaire !

Pour la CFDT, on est en train de monter des usines à gaz, et ce d’autant plus qu’on n’a pas d’outils, qu’on n’applique pas la RGPD… Un tableur Excel pour coordonner les contrôles, ça ne peut pas marcher. Il faut un système d’information interministériel pour coordonner les contrôles et c’est la recommandation n°1 du CGAAER sur le sujet. Il faut s’appuyer également sur les outils maison mis en place par certains départements.

La CFDT demande à la ministre comment expliquer aux agents qu’il faut mettre en œuvre le contrôle unique dès à présent en l’absence d’un périmètre clair et en l’absence d’un SI interministériel pour coordonner les contrôles ?

La ministre répond qu’elle ne comprend pas que ne soit toujours pas appliqué le principe « dites-le nous qu’une fois » et invite ses services à travailler avec la DINUM.

La secrétaire générale répond qu’elle y travaille.

La CFDT regrette l’absence de précisions et d’échéances.

Services économie agricole : la ministre dit soutenir les agents, la CFDT attend des actes…

La CFDT demande à la ministre ce qu’elle a envie de dire aux agents des SEA qui ont connu une période anxiogène pour l’instruction des aides de la nouvelle PAC, la crise agricole, le contrôle unique et qui sont désabusés face au manque de soutien du MASA.

La ministre s’étonne de ce propos. Elle revient justement d’un déplacement à Rennes au cours duquel elle a exprimé son soutien aux agents. Elle confirme le fait que « les agents en SEA ont passé une année difficile, que la profession agricole dans sa grande détresse n’a pas toujours été dans le détail, que tout le monde sort abîmé de cette crise, qu’il va falloir maintenant opérer une réparation. Mais que l’année 2025 ne commence pas de la meilleure des manières entre les inondations dans certaines régions et les épizooties qui menacent »

Par soutien, la CFDT entendait un véritable plan d’action pour les SEA que l’on attend toujours…

Par soutien, la CFDT attendait aussi un véritable soutien aux agents victimes des actes d’agriculteurs contre les biens et les personnes, et notamment une prise de parole publique au moment des faits. Ces actes fragilisent l’ensemble des agents dans l’exercice de leur métier, pourtant nécessaire pour le bien-être de l’ensemble de nos concitoyens, y compris la profession agricole elle-même.

Mayotte : la mobilisation se poursuit et sera longue

La ministre se dit préoccupée par la situation des agents qui sont à Mayotte suite au cyclone Chido. Elle a immédiatement nommé une personne du CGAAER, M. Martrenchar pour coordonner l’action du ministère. L’accès à l’eau et à l’électricité sont une priorité. Tous les moyens ont été mis en œuvre pour permettre une rentrée la plus normale possible avec l’accès à des repas pour les apprenants. Le chiffrage pour la reconstruction est en cours d’analyse par le CGAAER.

La CFDT reste vigilante à ce que toute l’aide soit déployée rapidement aux agents qui sont sur place. Notre ministère a des progrès à faire sur ce point et restera mobilisé pour une reconstruction et un retour rapide à la normale.

Anses : le discours ambigu de la ministre…

La CFDT interroge la ministre qui a déclaré qu’il était temps de remettre la main sur cette agence. Plus récemment, lors de son intervention publique au sénat sur l’examen de la proposition de loi Duplomb, la ministre a sous-entendu que l’indépendance de l’Anses pouvait nuire à la priorisation des dossiers et à la bonne santé de filières agricoles. Elle a indiqué être en faveur de la création d’un conseil d’orientation avec la présence des industriels dans ce dernier. Ce conseil aurait pour objet de prioriser l’instruction des dossiers présentés par l’Anses.

Pour la CFDT, l’indépendance de l’Anses préserve l’évaluation des risques sanitaires et environnementaux des produits phytosanitaires. C’est essentiel pour l’ensemble des citoyens, à commencer par les agriculteurs qui sont les premières victimes des produits phytosanitaires.

La CFDT demande : « devons-nous comprendre que vous êtes en faveur d’une politique de santé publique confiée à cette instance dans laquelle les décisions en faveur des risques sanitaires et environnementaux feront l’objet de lobbying ? »

La ministre répond : « je ne cherche pas à mettre la main sur l’Anses. Je n’en ai ni le droit, ni le pouvoir, ni l’intention. Je demande simplement à l’Anses de prioriser les demandes d’examen d’homologation de substances phytosanitaires pour des productions menacées de disparition en France (noisettes, endives…). Au final, cela représente 15% des dossiers, je n’interviens pas pour les 85 % restants. Il s’agit de gérer l’urgence en attendant des alternatives à ces molécules dont la diminution est un vrai enjeu. L’Anses reste maître de ses décisions. La santé humaine est un enjeu majeur. Que l’on arrête de me prêter des intentions que je n’ai pas. Il ne s’agit pas de permettre aux firmes d’exercer un lobbying, d’ailleurs je ne les ai jamais rencontrées. »

La CFDT s’interroge : pourquoi créer une nouvelle instance alors qu’il existe un comité des solutions qui réunit l’ensemble des parties prenantes et leur communique toute l’information nécessaire sur les décisions des autorisations de mise sur le marché ? Pour quelle raison ni le MTE ni le ministère de la santé ne s’expriment sur le sujet ?

La CFDT s’inquiète de cette approche qui n’est pas sans lui rappeler la création du comité permanent amiante. La CFDT avait refusé d’y siéger et on sait comment cela s’est terminé : plusieurs membres ont été poursuivis en justice au pénal. N’oublions pas que les agences sanitaires ont été créées dans un contexte de scandale de la vache folle, du sang contaminé ou encore de l’amiante…
La CFDT restera extrêmement vigilante sur ces questions de santé humaine et environnementale.

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Faute de temps, la CFDT n’a pas pu aborder plus en détail un sujet qui lui est cher : la transition agro-écologique. Beaucoup de collègues attendent de leur ministère qu’il soit (plus) pro actif en matière de transition pour donner du sens à leur travail. Une vision stratégique à long terme est attendue. Des crédits en conséquence également. La formation des cadres supérieurs qui a été engagée devrait aller à son terme et s’étendre à l’ensemble des agents du ministère qui le souhaite.

De fortes résistances existent côté profession agricole et un message clair s’impose pour la CFDT : la transition écologique est une obligation, pas une option !