Le conclave imaginé par François Bayrou est mort et enterré. Les partenaires sociaux se sont mis d’accord pour reprendre la négociation de fond en comble. Une nouvelle feuille de route doit voir le jour. L’idée n’est plus de répondre à une demande politique mais d’étudier comment les partenaires sociaux pourraient piloter le système de manière plus autonome.
Le constat est sans appel : il est impossible que les partenaires sociaux poursuivent la négociation relative aux retraites de la manière dont elle s’est engagée il y a quelques semaines. Alors que le Premier ministre avait promis que les partenaires sociaux seraient libres de réfléchir « sans totem ni tabou » à des propositions visant à améliorer le système, il a mis un coup de canif dans le contrat en déclarant, en marge des discussions, qu’il n’était pas question de revenir sur l’âge légal de départ à 64 ans. Dès lors, le conclave ne pouvait plus se poursuivre comme si de rien n’était.
Afin de sortir par le haut de cette crise, les partenaires sociaux ont donc décidé (mis à part la CGT et FO côté organisations syndicales, et l’U2P côté patronal, qui ont claqué la porte en cours de route) de reprendre les discussions en s’affranchissant du pouvoir politique. Le 20 mars dernier, lors de leur rencontre hebdomadaire (la quatrième depuis le début du conclave), ils ont décidé qu’ils allaient écrire ensemble une nouvelle feuille de route. « Nous avons dressé le constat que le temps politique n’est pas adapté pour gérer un système de retraites qui se pense forcément à moyen et long terme, explique Yvan Ricordeau, secrétaire général adjoint de la CFDT. C’est pourquoi nous souhaitons reprendre la main. La manière dont nous gérons l’Agirc-Arrco prouve que nous sommes légitimes à piloter le système de retraites dans son ensemble. »
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Nouvelle feuille de route, nouvelle négociation
Cette proposition de la CFDT a fait l’unanimité parmi les participants, qui se sont donné deux semaines pour élaborer une feuille de route collective. L’ancien directeur général de l’Agirc-Arrco, Jean-Jacques Marette, chargé de jouer le rôle de facilitateur de cette négociation, a accepté de poursuivre l’aventure avec les partenaires sociaux. Il lui revient à présent de favoriser la naissance de cette nouvelle négociation. L’agenda des discussions pourrait d’ailleurs être revu en fonction de l’accord trouvé. Et les organisations syndicales qui ont fait le choix de sortir du « conclave » pourraient revenir à la table des discussions. En tout cas, les organisations toujours présentes ne leur ferment pas la porte, bien au contraire.
Selon la CFDT, travailler sur la gouvernance du système à moyen et long terme ne signifie pas pour autant oublier les trois priorités qu’elle s’était fixées à court terme dans le cadre de cette négociation :
- Obtenir un bougé sur l’âge,
- Améliorer les dispositifs pénibilité,
- Mieux compenser les inégalités entre les femmes et les hommes au moment de prendre sa retraite. « Nous avons vu dans cette négociation l’opportunité d’obtenir des avancées concrètes pour les salariés. Nous sommes toujours dans cet état d’esprit. La différence, aujourd’hui, est que nous ne pourrons y arriver que si nous parvenons à nous détacher des injonctions du politique », précise Yvan Ricordeau.
Un déficit du régime des retraites à résorber
Autre engagement de la CFDT dans cette nouvelle séquence retraites : s’attaquer au déficit annoncé du régime (6,5 milliards d’euros en 2030 selon la Cour des comptes). « Un régime par répartition fonctionne sur la confiance à moyen et long terme, rappelle Yvan. Les actifs d’aujourd’hui qui financent le système par leurs cotisations doivent avoir l’assurance que les actifs de demain feront de même. C’est pourquoi il faut absolument que le système soit équilibré financièrement, ce qui n’est pas le cas actuellement. »
Concernant ce sujet épineux des finances, l’idée est de s’accorder sur un partage des efforts entre les actifs, les retraités et les entreprises, mais les discussions n’ont pas encore avancé. Pour l’instant, le patronat fait la sourde oreille dès qu’il est question de modifier le niveau des cotisations. « Comme dans toute négociation sociale, ce n’est qu’à la fin des discussions que l’on obtient des bougés, relativise Yvan Ricordeau. Aujourd’hui, tous autour de la table valident le principe de reprendre en main la question des retraites ; reste à se mettre d’accord sur la marche à suivre et le cap que nous voulons donner à notre système à moyen et long terme. »