Fonctions publiques : entre colère et inquiétude

 

Nous avons enfin un ministre de la Fonction publique depuis le 8 février. Il aura fallu attendre près d’un mois, depuis la nomination de Gabriel Attal en tant que Premier ministre début janvier, pour que les 5,6 millions d’agents publics aient à nouveau un interlocuteur alors que les dossiers urgents s’accumulent avec, en haut de la pile, la question salariale. D’ici à la fin du mois, une intersyndicale doit décider d’une mobilisation si l’exécutif continue de faire la sourde oreille.

À quand les mesures en matière de pouvoir d’achat ?

Les organisations syndicales attendent des mesures fortes en matière de pouvoir d’achat qui permettraient de mieux faire face à l’inflation. Les dernières hausses du point d’indice des fonctionnaires (3,5 % en juillet 2022 et 1,5 % en juillet 2023) sont loin d’être à la hauteur. La perte de pouvoir d’achat des agents est donc importante. À l’instar de ce qui se passe dans le secteur privé, on assiste à une smicardisation des traitements : de plus en plus d’agents voient leur rémunération rattrapée par la hausse du Smic.

Pour la CFDT, il est impératif que l’État annonce une revalorisation générale des traitements. L’année 2024 ne peut pas être une année blanche alors que l’inflation est toujours forte. « Or, actuellement, les discussions sont au point mort, explique Mylène Jacquot. Le Président a évoqué, lors de sa grande conférence de presse, qu’il allait mettre en place une rémunération au mérite tandis que les organisations syndicales attendent une mesure générale pour tous les agents. » Cette absence de dialogue devient si problématique que les organisations syndicales ont prévu de se réunir à la fin du mois pour décider d’une possible mobilisation en mars.

60 000 postes vacants faute de candidats

Outre cette mesure générale sur les salaires, la CFDT attend que s’engagent enfin des discussions approfondies à propos des carrières et rémunérations. Un agenda social avait déjà été esquissé avec le précédent ministre en vue de cette loi « historique », reste à savoir si les discussions vont reprendre avec les mêmes acteurs ou s’il faudra repartir de zéro. « Le timing est de plus en plus inquiétant, analyse Mylène Jacquot, secrétaire générale de la CFDT Fonction publique. Le risque est de voir l’exécutif légiférer dans la précipitation, sans prendre le temps de la concertation avec les organisations syndicales. »

À l’heure où les fonctions publiques souffrent d’un manque d’attractivité, où 60 000 postes sont actuellement vacants faute de candidats, les agents attendent un plan ambitieux. Un plan à même de répondre à leurs attentes en termes de déroulement de carrière, de sens de leur métier et de service rendu à la population. « Il faut sortir d’une simple gestion budgétaire à court terme, insiste Mylène Jacquot. Les agents en poste comme les jeunes qui s’apprêtent à rejoindre la fonction publique doivent pouvoir se projeter à long terme. »

Avec un taux de chômage historiquement bas dans notre pays, la fonction publique est confrontée, en matière de recrutement, à des tensions qu’elle ne connaissait pas jusqu’à présent. Dans certains métiers, la situation devient extrêmement problématique – comme à l’Éducation nationale, où la sortie de la nouvelle ministre au sujet des professeurs non remplacés a mis le feu aux poudres. « Nous avons toujours eu du mal à recruter dans certains métiers mais c’est la première fois que nous sommes confrontés à une telle pénurie, déplore Mylène Jacquot. Longtemps cachée par un chômage élevé qui poussait les candidats vers les concours publics, la question de l’attractivité des métiers publics est aujourd’hui centrale. Le gouvernement doit l’entendre. »

Au niveau du MASA, le problème d’attractivité concerne dorénavant tous les métiers et toutes les régions de France. Interpellée à de nombreuses reprises par la CFDT en 2023, la secrétaire générale du MASA en a fait un chantier prioritaire pour 2024. Un premier groupe de travail fin décembre dernier a permis de faire le point sur les questions en débat (voir notre article sur l’attractivité ici)

Une fonction publique fragilisée

Les agents ont aujourd’hui le sentiment de ne pas être reconnus dans leur métier et leur mission. L’absence de ministre a finalement agi comme un révélateur. « Où est passée la fonction publique ? renchérit Ingrid Clément, secrétaire générale de la CFDT-Interco (Intérieur, Justice, Affaires étrangères et collectivités locales). Les agents aiment leur métier, aiment le service public et répondent présent quand on a besoin d’eux. En retour, ils attendent de la considération. Les primes individuelles au mérite ne peuvent être une réponse. »

Secrétaire confédérale chargée des fonctions publiques à la Confédération, Nouria Narrimane Rebotti résume le sentiment général. « En ce début d’année, les fonctionnaires ont le sentiment d’être une nouvelle fois la cinquième roue du carrosse, de ne jamais être une priorité. La fonction publique, à laquelle sont attachés tous les Français, est aujourd’hui fragilisée. »

 

Par Jérôme Citron

Rédacteur en chef adjoint de CFDT Magazine