La traditionnelle présentation par le ministre du projet de loi de finances (PLF) s’est tenue le 22 septembre de 8 h 30 à 10 h, juste avant le conseil des ministres.
Cette réunion était organisée en mode hybride (présentiel et distanciel), en présence de Sophie Delaporte, secrétaire générale du ministère de l’Agriculture, du secrétaire général adjoint, Philippe Mérillon, de représentants des différentes directions générales d’administration centrale et du cabinet.
La CFDT était représentée par Jacques Moinard, Gisèle Bauland, Laure Revel et Jean-François Le Clanche.
En introduction, le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Julien Denormandie, a souhaité rappeler la vigilance toujours nécessaire dans le contexte sanitaire Covid, tout en soulignant l’évolution positive que nous connaissons actuellement grâce à la vaccination qui constitue une priorité. Mais il ne faut pas baisser la garde.
Il se dit attaché à l’amélioration des conditions de travail, et notamment au travers de l’accord ministériel sur le télétravail qu’il espère conclu d’ici la fin de l’année.
Il se félicite de l’organisation de la rentrée scolaire qui a permis l’accueil dans les meilleures conditions des personnels et des apprenants avec un maximum de cours en présentiel.
Il remercie l’ensemble des acteurs de l’enseignement, public et privé, pour cette rentrée 2021 qui est en rupture par rapport aux années précédentes avec une augmentation totale des effectifs de 0,5 % et un record du nombre d’apprentis pour l’année 2021 dans l’enseignement agricole.
Au-delà du secteur enseignement, il remercie vivement les agents en administration centrale, en services déconcentrés et en établissements publics, qui ont eu à gérer de nombreuses crises, comme le gel, l’influenza aviaire, le plan de relance, le volet sécurité sanitaire et alimentaire, etc. La charge de travail additionnelle a été très importante. Il rappelle d’ailleurs que le MAA a obtenu 110 ETP temporaires supplémentaires en cours d’année budgétaire 2021 pour y faire face.
Concernant le PLF qui sera présenté en conseil des ministres ce matin, la dynamique qu’il avait portée pour 2021 va se prolonger en 2022. Le socle budgétaire du MAA est conforté avec 5,07 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE), 5,04 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), soit une augmentation de 69 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 26 millions d’euros en crédits de paiement.
S’y ajoutent les crédits du plan de relance qui se poursuit en 2022. Initialement prévu à 1,2 milliard d’euros, il atteindra près de 1,5 milliard avec les différents redéploiements. À date, la moitié des crédits sont déjà engagés grâce à la mobilisation des équipes du MAA et de FranceAgriMer.
Effectifs du ministère
La trajectoire triennale pour le MAA prévoyait, pour 2022, un schéma d’emploi en baisse de 240 ETP.
Le ministre dit avoir obtenu finalement, après d’âpres discussions, un schéma d’emplois globalement « neutre » à l’échelle du ministère. Il insiste sur le résultat obtenu… un véritable revirement par rapport au schéma prévu. Derrière ce résultat, il y a évidemment des plus et des moins selon les programmes.
Le ministre annonce les évolutions du schéma d’emplois par programme, dont il se félicite :
• Programme 143
Alors que la trajectoire initiale prévoyait une baisse de 110 ETP, elle sera limitée à 16 ETP, ce qui marque marque l’attention particulière du gouvernement pour l’enseignement agricole.
• Programme 142
Les écoles nationales vétérinaires vont bénéficier de la création de 16 emplois.
• Programme 215
La trajectoire prévoyait une baisse de 130 ETP, qui sera limitée à 10 ETP, en administration centrale uniquement. Les services déconcentrés seront préservés.
En outre, l’année 2023 va être marquée par la mise en œuvre de la nouvelle PAC. Exercice très dense pour toutes les équipes en termes de préparation, de mise en œuvre des process, des dispositifs d’accompagnement, de l’ingénierie, de l’informatique, sans droit à l’erreur. Pour faire face, le MAA a pu obtenir 200 postes temporaires en moyens d’ajustement, inscrits dans le plafond d’emplois 2022.
Pour le ministre, cette orientation est un signal fort aux agents des services déconcentrés, en région et en département. Il souligne que l’échelon départemental est essentiel à ses yeux.
• Programme 206
Face aux enjeux des contrôles sanitaires, ce programme est conforté avec une augmentation de 10 ETP pour les services territoriaux. Ces moyens complètent les efforts consentis en 2021 avec la mise en œuvre, dès le 1er octobre, de la force d’intervention nationale en abattoirs (FINA).
Effectifs des opérateurs
Le ministre annonce une baisse du schéma d’emplois de 144 ETP, au lieu de 190 ETP prévus initialement pour les opérateurs de la mission agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales (AAFAR).
Rémunération des agents
Pour le ministre, la rémunération des agents est un élément de l’attractivité de nos métiers. Des améliorations ont déjà été apportées en 2020 et 2021 (Rifseep, heures de nuit, directeurs d’établissements…) ; d’autres sont prévues en 2022, avec une attention particulière portée à la transposition au MAA du « Grenelle de l’Éducation » et de la loi de programmation recherche.
Il y a également, au titre des mesures catégorielles propre au ministère avec notamment, la poursuite du plan de requalification C en B et B en A, l’alignement des salaires des contractuels dans l’enseignement supérieur sur ceux des fonctionnaires occupant des fonctions analogues, et la reprise d’ancienneté pour l’avancement des contractuels de l’enseignement technique agricole.
Le ministre souligne son intérêt pour la situation des agents. Il se dit très attaché à la mise en œuvre des labels égalité et diversité. Il souhaite maintenir un dialogue social nourri avec les représentants des personnels. Pour lui, il faut tirer tous les enseignements des résultats du baromètre social. Il est conscient de l’enjeu du numérique au MAA et réaffirme son objectif d’aboutir à un accord sur le télétravail d’ici la fin de l’année.
Trois objectifs stratégiques pour le ministère
Le ministre a rappelé que ce PLF tient compte des trois objectifs stratégiques qu’il a définis pour le ministère :
• Soutenir le revenu des agriculteurs et accompagner les transitions par l’investissement
Il faut consolider les effets de levier des différents financements européens.
Par ailleurs, le président de la République a annoncé il y a quelques jours que le dispositif des couvertures des risques agricoles va être revu (assurance récolte et calamités agricoles). Un projet de loi sera présenté en conseil des ministres au mois de décembre et discuté à l’Assemblée nationale courant janvier. Cette loi sera l’architecture d’un régime universel de couverture des risques, en grande partie financé par la solidarité nationale avec une participation du monde agricole. 600 millions d’euros sont prévus en 2023 contre 300 millions actuellement.
Pour la forêt, au-delà des crédits du plan de relance (300 millions d’euros) annoncés en juillet par le premier ministre, le budget traduit un relèvement des dotations consacrées à la politique forestière, qui atteindront 277 millions d’euros. Il s’agit notamment de conforter l’action de l’ONF sur les missions d’intérêt général. Dans ce cadre, les Assises de la forêt annoncées cet été se dérouleront à partir de début octobre.
• Renforcer notre capacité à prévenir et réagir face aux risques sanitaires
Les moyens budgétaires (programme 206) sont en augmentation de 3 % en AE et de 2,4 % en CP par rapport à 2021 afin, notamment, de faire face aux nouvelles dépenses liées à la mise en œuvre de la loi santé végétale et de la loi santé animale définies au niveau européen. Est également prévu le financement d’une nouvelle base de données sanitaires nécessaire pour l’identification et la traçabilité des animaux de rente. Il s’agit aussi d’assurer le financement du transfert à l’Anses de certaines missions du haut conseil des biotechnologies et du développement, ainsi que le développement, par l’Anses, d’une capacité d’analyse socio-économique pour faire face aux besoins d’expertises.
• Préparer l’avenir par l’innovation et la formation des jeunes
Pour le ministre, c’est tout l’enjeu de l’enseignement agricole face aux défis à relever. Dans ce contexte, les crédits du programme 143 augmentent de 4,2 %.
Il y a également des défis importants en matière d’enseignement supérieur agricole. Actuellement, plus de la moitié des vétérinaires qui exercent en France sont formés à l’étranger, ce qui nécessite de renforcer nos écoles vétérinaires.
Le ministre reconnaît la tension sur les effectifs dans l’enseignement, en lien avec les réductions passées opérées dans le cadre du redressement des finances publiques, avec une pression croissante de la charge de travail pour les équipes.
Le MAA, premier ministère neutre en carbone ?
Le ministre a conclu sa présentation du PLF en annonçant sa volonté que le MAA soit le premier ministère neutre en carbone, avec des objectifs à atteindre dès 2022 pour l’administration centrale. La mise en œuvre de ce plan est confiée au secrétariat général (bilan carbone, rachat de crédits carbone, consommation en énergie des bâtiments, climatisation, flotte des véhicules, consommables, gestion des déchets, trajets domicile-travail…). Un chef de projet sera désigné rapidement pour la définition d’un plan d’action avec l’ensemble des directions générales. Les présidents des conseils d’administrations des EPL seront associés à cette démarche, en lien avec les conseils régionaux, et seront invités a mettre en œuvre des actions similaires. Il invitera également les opérateurs du MAA à s’engager dans cette direction.
Intervention de la CFDT et réponses du ministre
« Monsieur le Ministre,
Lors de la réunion de rentrée le 31 août dernier, la CFDT vous avait interpellé sur les difficultés récurrentes rencontrées par les services pour faire face aux différentes missions de notre ministère : plan de relance, crises sanitaires dans les domaines animal et végétal, crises climatiques, transfert Feader et nouvelle PAC, forêts, gestion RH, enseignement agricole, etc.
Au regard des moyens humains alloués à notre département ministériel que vous venez de nous présenter, nous constatons que l’augmentation globale du plafond d’emploi de + 240 ETPT cache des baisses incompréhensibles.
Cette augmentation est principalement liée à une situation conjoncturelle induite par le Brexit. Nous ne pouvons que dénoncer le recours exclusif à des moyens d’ajustement pour préparer la nouvelle PAC.
Pour les opérateurs, les réductions suivent les restrictions programmées, avec une baisse difficilement compréhensible de 56 ETPT pour l’Anses, malgré des missions toujours plus nombreuses sans moyens à la hauteur. L’ASP, dont vous reconnaissez les besoins, voit également son plafond en baisse de 13 ETP. Les efforts demandés à l’IFCE (-35) et à l’ONF (-95) sont vécus comme une « violence » par les personnels.
Si votre volonté de défendre les plafonds d’emplois des différents programmes du MAA, affichée fin août, a effectivement permis d’infléchir la baisse programmée de 2020 à 2022, vous comprendrez notre déception face aux besoins criants pour réaliser correctement l’ensemble des missions de notre ministère, avec le souci de réduire le mal-être au travail.
Les faits sont têtus, Monsieur le Ministre : le réchauffement climatique et ses conséquences, les crises sanitaires successives, les menaces et les multiples défis que doit relever le monde agricole dans les domaines alimentaire, sanitaire, écologique nécessitent un État fort pour accompagner ces bouleversements.
Les annonces de renforcement des moyens dans les services déconcentrés, faites par le premier Ministre, ne sont finalement pas au rendez-vous pour les missions de l’agriculture, que doit-on en déduire ?
Vous aviez pourtant souligné que des moyens supplémentaires obtenus ce printemps pour les DDI témoignaient de plafonds d’emplois sous-calibrés !
Sécurité sanitaire des aliments
Nous prenons acte également de l’immobilisme en matière de clarification des contrôles en sécurité sanitaire des aliments, enjeu pourtant majeur pour nos concitoyens. Rien dans ce PLF ne permet d’avancer sur ce dossier.
Nous avons bien entendu votre position sur les moyens nécessaires… que vous n’avez pas obtenus.
La CFDT regrette l’enlisement de ce dossier malgré les constats du rapport inter-inspection sur ce sujet, il y a déjà deux ans. Et ce n’était pas le premier ! »
Le ministre réaffirme sa position : sans transfert des effectifs correspondant, le MAA ne récupérera pas les missions de la DGCCRF.
« Pêche et aquaculture
Le PLF 2022 ne dit rien sur un éventuel transfert d’ETP en vue de la création de la direction générale de la Mer, une demande de la ministre de la Mer que vous avez déclaré partager, dans une approche métier. Que doit-on en déduire ? Ce projet est-il remis à plus tard, après les élections présidentielles ? »
Le ministre confirme que pour lui ce rapprochement est légitime ; mais si cette réorganisation devait effectivement se réaliser, elle devra se faire dans la concertation avec les personnels.
« Gestion RH au MAA
La baisse, même moindre que prévue initialement, des effectifs du programme 215, est une très mauvaise nouvelle. Elle va toucher prioritairement l’administration centrale et probablement encore les DRAAF, qui sont déjà en sous-effectif.
Comment les dossiers des agents vont-ils pouvoir être correctement traités dans ce contexte de pénurie, encore aggravée ?
Si la gestion RH est en souffrance, les agents gestionnaires le sont encore plus, faute de pouvoir faire leur travail dans de bonnes conditions et de répondre aux sollicitations dans des délais acceptables.
Pour la CFDT, la situation est d’autant plus difficile que les postes RH ne sont plus attractifs. Les postes ouverts à la mobilité restent vacants ou sont pourvus majoritairement par des agents sans aucune connaissance des spécificités de notre ministère…
Le système a atteint ses limites et il est probable qu’une simple réorganisation des fonctions RH en administration centrale ne suffise pas à rétablir la situation.
Missions DDI-DRAAF
Enfin, la mission confiée au CGAAER sur les missions en DDI et DRAAF ne pourra pas faire des miracles avec des effectifs constamment en baisse.
Pour la CFDT, c’est le sens des missions du MAA qui doit être interrogé… »
Sur les missions, le ministre est revenu sur le transfert du Feader. Il se dit conscient de l’impatience des agents. Il convient qu’il y a urgence et souhaite que les discussions avec les conseils régionaux aboutissent très rapidement.
Concernant les critiques des organisations syndicales sur les effectifs, il ne comprend pas la non-reconnaissance des avancées obtenues par rapport aux baisses beaucoup plus importantes qui étaient prévues dans la trajectoire triennale. Même si tout n’est pas parfait, il estime avoir obtenu, de très haute lutte, un infléchissement très important qui pourrait être reconnu par les organisations syndicales.
La CFDT a souhaité rappeler que les organisations syndicales représentent les personnels et qu’à ce titre, elles sont là pour dire au ministre leurs souffrances, leur mal-être au travail.
Si la CFDT est consciente du combat mené par le ministre pour obtenir une inflexion très significative de la baisse annoncée, ce qu’elle a d’ailleurs reconnu, il doit cependant admettre que cette perspective de moindre diminution ne peut pas être perçue par les agents comme une bouffée d’air qui va améliorer leurs conditions de travail… Ils vont devoir continuer à assumer une charge de travail toujours aussi importante. La CFDT ne peut pas afficher un satisfecit qui ne serait pas entendu, et à juste titre, par des agents en mal-être.