Le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Stéphane Travert, a échangé avec les représentants du personnel en ouverture du CTM du 6 juillet 2017.
Ce fut l’occasion de l’interpeller sur la direction qu’il souhaite donner au ministère, et les moyens pour y parvenir.
Vous trouverez ci-dessous la transcription de la déclaration de vos représentants CFDT (Jacques Moinard, Philippe Hedrich, Géraldine Chadirat, Nadou Cadic et Denis van der Putten), dans laquelle ont été intégrés des éléments de réponse du ministre.
« Monsieur le Ministre,
Il est de tradition pour un nouveau ministre d’adresser un message aux agents. Nous l’avons reçu le 23 juin, nous vous en remercions et souhaitons relever votre engagement à définir rapidement une feuille de route pour notre ministère et ses établissements publics.
La démarche agro-écologique, ligne directrice structurante pour une évolution indispensable de nos modes de production, sera-t-elle poursuivie ? Il n’en est pas fait mention dans votre message !
La feuille de route initiée par Jacques Mézard est actuellement retravaillée, notamment sur le volet social. Elle sera ensuite discutée avec le premier ministre, néanmoins un certain nombre d’orientations peuvent être exposées dès aujourd’hui. Stéphane Travert affirme notamment qu’il œuvrera à la constitution d’un pacte social et environnemental, dans la continuité de Stéphane Le Foll. Il considère que prendre le virage de la transition écologique est un devoir, une « obligation de service ». Il précise qu’il ne s’agit pas pour autant d’opposer les modèles agricoles les uns aux autres.
Soulignons que cette démarche est également un moteur pour nos établissements techniques et supérieurs de l’enseignement agricole. Leurs missions d’éducation et de recherche qui sont fondamentales pour réussir les mutations du monde agricole doivent être confortées. Ce modèle a d’ailleurs été mis en avant par notre président de la République qui a choisi un lycée agricole public pour sa première visite en lycée.
Les élèves et les familles trouvent satisfaction dans cet enseignement de par la pédagogie originale déployée, la taille des établissements et un bon niveau d’insertion sur le marché de l’emploi à la sortie.
Mais dans certaines régions, les établissements sont obligés de refuser des élèves suite à la fixation de seuils par l’administration. La CFDT demande avec insistance l’accueil de tous les élèves souhaitant entrer dans l’enseignement agricole public. C’est le rôle du service public, il est nécessaire de le financer.
Si l’enseignement agricole a des atouts indéniables, il faut le faire savoir et ne pas s’endormir sur nos lauriers. Il faut aller plus loin dans l’innovation, l’expérimentation (avec incitation et suivi), l’autonomie des équipes pédagogiques, l’ancrage dans les territoires. Pour cela, il faut notamment faire évoluer le métier d’enseignant, réduire les cours magistraux et les épreuves terminales académiques.
L’enseignement supérieur aussi a besoin d’être relancé. Un réinvestissement est indispensable. Il faut activer une synergie entre nos 12 écoles et les organismes de recherche. L’Institut Agronomique, Vétérinaire et Forestier de France (IAVFF) n’a pas assez joué ce rôle. Par ailleurs, il faut démocratiser l’accès à cet enseignement pour l’instant encore trop élitiste.
Stéphane Travert a présidé le conseil d’administration de l’EPLEFPA « métiers nature » de Coutances dans la Manche. Il a beaucoup apprécié cette expérience, qui lui permet d’avoir une vision pragmatique de l’enseignement technique agricole, que le président de la République a salué comme « un système qui marche ».
Il mentionne également les enjeux liés à l’implantation d’AgroParisTech et de l’INRA au sein du campus Paris-Saclay, en vue de créer un site « d’importance mondiale » dédié à l’enseignement supérieur et à la recherche.
Il assistera au conseil national de l’enseignement agricole (CNEA) de septembre, pour y aborder la problématique de la consolidation de l’enseignement agricole public et de l’attractivité des métiers.
Votre feuille de route est très attendue par les personnels, monsieur le ministre, tant dans l’enseignement que dans vos services confrontés à des difficultés croissantes dans l’exercice de leurs missions et à une perte de sens de plus en plus perceptible.
La souffrance au travail est le sujet majeur auquel sont confrontés les agents de votre ministère.
Les coupes budgétaires et les réorganisations incessantes depuis dix ans ont fragilisé les services et les opérateurs sous tutelle du ministère.
Alors que les bilans RPS se multiplient, nous sommes confrontés à un nombre croissant d’agents en souffrance, que ce soit en services déconcentrés, en administration centrale ou dans les établissements publics sous tutelle du ministère.
Parallèlement, des priorités mal définies, la multiplication et la complexification des procédures, avec régulièrement des crises à gérer, ont conduit à une dégradation des conditions de travail et à un développement très significatif des problématiques psychosociales.
Le plus souvent structurelles, les difficultés des services sont liées au manque de moyens… mais pas seulement !
Face au mal-être grandissant, d’autres leviers doivent être activés. Ils concernent des problèmes de chaînes hiérarchiques illisibles, de management défaillant, de manque de lien entre les structures et de capacité d’expertise.
Si des enquêtes, des diagnostics sont mis en œuvre, les plans d’actions qui en découlent pour tenter de résoudre ces problématiques sont soit inexistants, soit ne prennent pas en compte les véritables problèmes.
Alors que ces constats sont mis en évidence par notre réseau d’inspecteurs santé et sécurité au travail (ISST), des missions d’inspection ou des cabinets d’audits extérieurs à notre ministère, ils restent trop souvent sous-estimés voire ignorés par notre administration.
Comme vous le savez, les situations les plus critiques se concentrent actuellement dans les services en charge de la gestion des aides PAC (en services déconcentrés, à l’ASP et à la DGPE), mais les situations sous tension sont de plus en plus nombreuses :
— dans les DDI, pas seulement dans les SEA en DDT(M) mais également en DD(CS)PP avec notamment des gestions de crises extrêmement compliquées faute de moyens et d’expertise métier suffisante ;
— dans les DRAAF fusionnées où les temps de déplacements et les interlocuteurs se multiplient avec pour corollaire une complexification de la gouvernance des politiques publiques ;
— À l’IFCE (en cours de démantèlement !) avec un nouveau COP en préparation qui nécessiterait une vraie politique sur les 5 ans à venir, définissant des missions légitimes et reconnues. La stratégie de délocalisation mal préparée conduit à un fort mal-être, à des mobilités importantes et souvent subies des personnels. La plus-value apportée par l’IFCE à la filière doit être forte et irréprochable. Les personnels, convaincus de leur utilité, attendent un projet structurant partagé par tous ;
— À l’ANSES, les missions se multiplient sans effectifs supplémentaires. Cet établissement doit pouvoir compter sur des effectifs pérennes suffisants et pas seulement sur des moyens d’ajustement temporaires ;
— À l’INAO, les agents sont en attente des conclusions de l’audit du CGAAER en cours. Ils sont inquiets de l’avenir de leur établissement : mutualisation des services supports, réorganisation territoriale, futur schéma d’emplois, élaboration du prochain COP. Les agents souhaitent connaître le planning de travail avec les modalités de concertation et se posent la question de la hiérarchisation des missions ;
— À l’ONF, le dialogue social est pour le moins très tendu, voire inexistant.
Pour le paiement des aides de la PAC, le ministre confirme le calendrier d’engagements de son prédécesseur. Pour y parvenir, des moyens d’ajustement à hauteur de 160 ETP ont été demandés pour septembre. Le ministre rencontre également ce 6 juillet l’ASP et les chefs de SEA pour se saisir du sujet. L’attachement des agents à réaliser l’énorme « travail de fourmi » de ces derniers mois est salué.
Considérant que les agents du service public sont une force, et que leur bien-être au travail est important, M. Travert souhaite se rendre « sur le terrain », à l’écoute des agents, sur leurs missions et la qualité de leur vie au travail.
Indispensable adaptation missions/moyens… mais pas seulement !
L’avenir de nos missions est suspendu aux moyens qui seront définis dans la prochaine loi de finance en cours de discussion… mais nous avons un mauvais pressentiment.
Dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques, le ministère aura sa part à assumer. Le ministre affirme qu’il défendra les spécificités du MAA, pour que l’effort soit « juste », et que les missions soient menées à bien.
Si certaines missions sont reléguées au second plan ou externalisées, nous souhaitons attirer votre attention sur nos capacités à maintenir nos compétences métiers. Certains abandons sont lourds de conséquences en termes de capacité d’expertise pour notre ministère que l’on dit encore technique… mais pour combien de temps ?
Sans expertise, notre capacité à orienter les politiques publiques sur les territoires devient totalement inefficace.
Les services publics sont aussi là pour anticiper, gérer les crises et éviter qu’elles ne prennent de l’ampleur. L’exemple de la grippe aviaire montre combien les capacités de nos services sont fragilisées… Nous demandons un retour d’expérience dans les meilleurs délais avant d’affronter la prochaine épizootie inévitable tant que les modes de production n’auront pas été repensés.
S’agissant de l’IAHP, au delà de la gestion de crise, au cours de laquelle les agents ont fait un travail remarquable, le ministre estime qu’il y a nécessité de répondre à l’exigence sociale sur la qualité et la sécurité alimentaire, et sur le bien-être animal. C’est pourquoi les représentants du personnel seront invités à prendre part aux états généraux de l’agriculture dès leur lancement.
Face aux changements et aux évolutions auxquels le monde agricole est et sera confronté : réchauffement climatique, démarche agro-écologique, révolution numérique…
… nous attendons de votre part, monsieur le ministre, une vision pour l’avenir de l’agriculture pour les 5 prochaines années… avec des moyens et des effectifs à la hauteur des enjeux.
Pour la CFDT, le ministère doit être en capacité d’impulser l’évolution des pratiques agricoles et agronomiques. À un moment où les productions agricoles et agroalimentaires doivent changer de paradigme, il convient de venir en appui et d’accompagner la profession agricole, avec une expertise d’État forte.
Mobiliser les moyens humains nécessaires à l’accomplissement des tâches, valoriser une démarche participative, garantir un véritable dialogue social dans toutes les structures, sont des conditions indispensables pour l’appropriation par les agents des évolutions de leur cadre de travail et d’un monde agricole en pleine mutation…
… et mettre fin à la dégradation continue des conditions de travail des agents.
La CFDT souhaite vous rencontrer rapidement afin de développer tous ces sujets ! »
Le ministre rappelle que les politiques de notre ministère ont un impact au quotidien sur la vie de nos concitoyens. Il indique qu’il va exercer ses responsabilités avec l’appui des directions générales, mais aussi en se déplaçant sur les lieux de travail des agents, à Paris et dans les territoires, et en dialoguant avec les représentants du personnel, qui seront reçus en rendez-vous bilatéral avant la trêve estivale.
Dans la perspective de cette rencontre, ou pour tout complément, n’hésitez à contacter la permanence de la CFDT !